Strasbourg : un dispositif d'urgence pour héberger les étudiants sans logement, votre canapé peut servir

A quelques jours de la rentrée scolaire, des étudiants se retrouvent à la rue à Strasbourg, faute d'hébergement pour les accueillir. L'association étudiante Afges et la Ville de Strasbourg ont chacune créé un dispositif de logement provisoire : elles en appellent à la solidarité des habitants.

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"Strasbourgeois, Strasbourgeoises, mobilisez-vous", c'est un peu le refrain qui tourne depuis quelques jours à l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges) et à la Ville. Un appel à l'aide pour trouver un toit aux étudiants fraîchement débarqués dans la capitale alsacienne. Les affiches collées ça et là en centre-ville ne vous ont probablement pas échappé : elles invitent clairement les habitants à offrir un canapé ou au moins un matelas pour compenser le manque cruel de logements. 

Youssouf Diarra est arrivé lundi 26 août à Strasbourg, en provenance de Bamako. Avant cela, il a transité cinq jours chez un ami à Paris, dans l'espoir de trouver avec lui un logement dans sa nouvelle ville. En vain, malgré 400 euros de budget mensuel qu'il peut y consacrer. Lorsqu'il est sorti du train, sac sur le dos et valises à la main, l'étudiant malien n'avait aucun pied-à-terre où déposer ses bagages. Alors il a passé la nuit dans la rue, devant la gare. 

"J'étais un peu perdu, témoigne cet étudiant malien de 28 ans sans se défaire de son habituel sourire. Je ne savais pas quel chemin prendre. J'ai galéré toute la journée jusqu'à la tombée de la nuit. Je ne savais pas où aller."
 

Solidarité entre étudiants

Des conditions loin d'être idéales pour aborder la rentrée scolaire avec sérénité. Youssouf avoue être inquiet. Il a pris contact avec le Crous, cherché des offres de locations publiées par des particuliers, mais le marché est saturé à Strasbourg. "Le Crous m'a adressé vers un service destiné aux étudiants qui n'ont pas de logement et qui représentent un cas majeur. On m'a proposé un hébergement provisoire", explique le jeune homme, qui va entrer en troisième année de licence d'histoire après avoir déjà décroché une maîtrise à Bamako pour réaliser son rêve : devenir professeur d'histoire. 

Il est donc arrivé chez Elsa Gams et ses deux colocataires, dans un appartement près de la gare. Les trois étudiantes ont décidé de l'accueillir gratuitement. La veille, elles avaient offert leur canapé à Moustapha, un étudiant sénégalais. "Nous, ça ne nous handicape pas plus que ça et ça peut aider, alors on s'est dit pourquoi pasIl y a peu d'efforts à faire pour un gros impact : éviter à des étudiants de devoir dormir dans la rue. Autant y aller, ce n'est pas grand-chose."

Une solidarité entre étudiants qui dépanne surtout les étrangers, particulièrement isolés en arrivant en France. Ils sont environ 10.000 sur les 60.000 étudiants scolarisés à la faculté de Strasbourg, dont 26 % d'Africains et 25 % d'Asiatiques. "Nous, on est dans une colocation où on a trois garants, les deux parents respectifs de chaque coloc travaillent, donc on n'a pas vraiment de difficulté. On est nées en Alsace, on connaît les réseaux pour trouver un logement", raconte Elsa, étudiante en médecine.
 

Un dispositif qui se professionnalise

Avec ses amies, elle s'est portée volontaire sur le site de l'association étudiante Afges. Le principe : remplir un formulaire, sur lequel il est possible d'exprimer quelques conditions comme la durée maximale d'hébergement. L'Association, en collaboration avec le CROUS (qui a engagé pour la première fois cette année un service civique spécialement pour le dispositif de logement provisoire), s'occupe ensuite d'associer un hébergeur et un hébergé. "Un algorithme permettra d’associer deux parties qui se correspondent", précise l'Afges.
 
Le dispositif existe depuis deux ans mais s'est professionnalisé cette année, car le problème est le même à chaque rentrée. En quelques jours, une quinzaine de jeunes désœuvrés s'est déjà manifestée. "Des étudiants ont eu des affectations tardives, n'ont pas eu de réponse positive pour un logement ou n'ont pas fait du tout de démarches. Cela prend du temps de chercher parce que la plupart des structures sont saturées le 1er septembre", explique Nicolas Gsell, responsable de la vie étudiante au Crous de Strasbourg.

La période délicate s'étale jusque fin octobre : "La ville est capable d'absorber ces étudiants mais ça peut mettre plusieurs semaines. C'est très difficile car ils sont dans l'urgence. Souvent, il faut sept, dix, quinze jours pour formaliser les papiers donc avoir une solution temporaire, ça dépanne."
 

Du mieux d'ici fin octobre

Les principaux acteurs de l'action sociale assurent que l'ensemble des étudiants finit en général par trouver un logement, car les premiers d'entre eux se rendent compte qu'ils se sont trompés d'orientation ou abandonnent leur scolarité. 15% des hébergements devraient se libérer d'ici peu au Crous, qui dispose de plus de 5.000 lits en cités ou résidences universitaires (chambres ou studios).
Reste à les accompagner d'ici là : "Juste le fait d'avoir un lit pour dormir, de pouvoir prendre une douche, ça donne plus de force mentale pour chercher un logement et c'est le but de la plateforme : permettre à ceux qui sont à la rue ou risqueraient de l'être, d'être suffisamment sécurisés le temps de chercher mais pas plus", selon Jean-Valentin Foury, le président de l'Afges.

Il tente de mobiliser du monde car il y a "deux fois plus de demandes que d'hébergeurs". Pour inciter les Strasbourgeois, il tient à rassurer : "vivre aux crochets des autres, ce n'est pas ce qu'ils veulent. Ils ont leur dignité, leur fierté, ils ont besoin de leur indépendance et de s'en sortir". Autrement dit, ils ne tiennent pas à s'éterniser. 
 

La Ville s'y met aussi

De son côté, la Ville de Strasbourg a elle aussi lancé un dispositif. Une première cette année. Elle s'est associée au site internet La Carte des colocs et demande aux habitants ayant une chambre ou un canapé disponible de publier une annonce pour accueillir des étudiants en manque de logement. 
Mobiliser les citoyens plutôt que d'agir politiquement pour proposer des solutions ? Non, promet la Ville. "C'est un dispositif complémentaire à ce que nous faisons déjà, souligne Philippe Portelli, chef du service enseignement supérieur à l'Eurométropole. Evidemment, on va continuer à investir dans le logement à vocation sociale qui permet à des étudiants en difficulté d'accéder à des logements moins chers que le parc privé mais malheureusement les rythmes de construction sont plus lents que les besoins, donc on s'est dit qu'en rajoutant ce dispositif, on pourrait proposer de régler des questions assez rapidement grâce à un engagement citoyen."

Pour l'instant, seules quelques rares annonces sont en ligne. Les difficultés à se loger interviennent dans un contexte d'autant plus tendu que les coûts de la vie étudiante ont nettement augmenté, de 2,7% pour les boursiers et 4% pour les non boursiers selon les syndicats. D’après une enquête de l’Unef, le coût moyen d’un logement étudiant à Strasbourg est de 459 euros par mois. 
 
 
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